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Auteur Arnaldo MOMIGLIANO |
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Sagesses barbares, les limites de l'hellénisation / Arnaldo MOMIGLIANO
Titre : Sagesses barbares, les limites de l'hellénisation Type de document : texte imprimé Auteurs : Arnaldo MOMIGLIANO, Auteur Editeur : Paris : François Maspero Année de publication : 1980 Importance : index/bibliographie ISBN/ISSN/EAN : 270711163 Langues : Français (fre) Catégories : Histoire [50]:Antiquité (-3500 à 476) [50.3] Tags : Grèce Perse Mithra Zoroastre Gaule judaïsme Rome Index. décimale : 25 Monde grec & philosophes Résumé : Notes de Henry Gavrand :
Tout le monde connaît l’impact de la culture grecque sur la civilisation romaine. « Sagesses barbares » offre des pages très denses sur ce thème. Eh oui, les Romains étaient rangés parmi les barbares, pour les Grecs de l’époque classique ! Mais des Barbares ayant le plus d’affinité avec le modèle grec de civilisation. L’alphabet latin découle de l’alphabet grec. Le théâtre latin ne commence qu’avec la venue à Rome des otages et des esclaves grecs, parmi eux, celui qui deviendra le plus talentueux des dramaturges hellénisés de langue latine, Térence. L’architecture romaine monumentale s’est inspirée des monuments de l’Hellade. La religion latine sera transformée dans ses croyances et dans sa spiritualité par les Dieux de l’Olympe et le culte à mystère que se déroulait dans les Temples de Delphes et sur les haut-lieux spirituels de la Grèce. On verra plus tard le général romain Publius vaticiner en langue grecque, en plein temple grec de Naupacte, qu’un loup rouge (mythe romain) lui dévorerait la tête. Un loup lui dévora la tête, en effet.
Malgré ces affinités, les relations commerciales qui avaient été importantes entre la Grèce et la cité du Latium au VI siècle, s’étaient progressivement réduites au Ve et au IVe, signe du peu d’intérêt des cités grecques pour les « Barbares de Rome » situés au nord de la Grande Grèce (Italie du sud). Aucun auteur, selon Momigliano, ne fit le voyage de Rome ou n’écrivit une histoire un peu suivie. Ce fut la conquête de la Grande Grèce, vers 330, qui donna aux responsables de la Rome antique, considérée comme une petite cité grecque, l’occasion de traiter par écrit avec les Grecs. Mais la poussée des Gaulois à Rome inquiéta davantage les archontes d’Athènes que celle des Romains dans la Grande Grèce. Les Grecs ne se réveillèrent vraiment que lorsqu’ils furent confrontés avec une puissance militaire de premier ordre, avec la défaite de Pyrrhos. Leur erreur fatale fut de ne pas soutenir Carthage et d’ignorer le système romain ou plus exactement la logique de l’empire romain, que Momigliano démonte en peu de mots.
L’empire athénien exigeait de ses « vaincus » des tributs en argent et le minimum de participation militaire. L’empire romain exigeait de ses « socci » (vaincus devenus alliés) une collaboration militaire intensive et étroitement surveillée, par des officiers romains et par les classes dirigeantes alliées. Il fallait que Rome aille de guerre en guerre pour tenir en main ses alliés, sous peine de les voir se retourner contre elle, comme cela eut lieu lors de la Guerre sociale (ou Guerre des Alliés), pour obtenir le Droit de Cité. La guerre était au cœur de l’organisation romaine, une bataille en entraînait une autre de 280 à 80 av. J.C. Mais pour comprendre le système romain, il aurait fallu parler le latin. Les Grecs ne le firent jamais, alors que les classes dirigeantes romaines apprirent le grec pendant les Guerres Puniques.
La période hellénistique créera un climat de compétition culturelle et de défi entre Romains et Grecs. Les classes dirigeantes romaines seront hellénisées. Les Latins assimileront la culture grecque, tout en conservant leur identité culturelle et le sens de la romanité. Ils payaient les Grecs pour leur enseigner les Lettres et la Sagesse, mais leurs écrivains sauront faire de la langue latine un instrument de pensée pouvant rivaliser avec le grec et exprimer les idées grecques avec une précision remarquable. Il y aura un hellénisme latin. L’empereur Hadrien sera à la fois un latin et un grec. Son favori, Antinoë, deviendra un dieu grec. Finalement, il y aura un hellénisme latin et un hellénisme grec, jusqu’au moment où la révolution chrétienne englobera les deux, dans le Nouveau Testament, d’abord, et l’œuvre littéraire des Pères de l’Eglise, puis dans la civilisation byzantine, et, de nos jours, dans les Églises latines et grecques. Clément d’Alexandrie ira le plus loin dans la rencontre de l’hellénisme et du christianisme.
Je renvoie les lecteurs aux chapitres les plus importants de « Sagesses barbares », concernant la rencontre de l’hellénisme et de la civilisation perse, la moins connue du grand public. C’est ici que se joua la partie décisive de l’aventure hellénistique. A plusieurs reprises, la Perse avait failli absorber l’Hellade dans son projet d’Etat perse multinational, et elle n’avait pas manqué de Grecs pour collaborer à ce projet. Pour survivre les Grecs furent obligés de changer d’attitude à l’égard des Perses et de faire effort pour s’ouvrir à la culture parthe.
Momigliano évoque ces efforts. Philippe II crée un corps de pages macédoniens sur le modèle des pages perses. Son ministre, Eumène de Cardia, organise la chancellerie macédonienne en s’inspirant de l’organisation administrative perse, Xénophon et d’autres auteurs, consacrent des chapitres aux leçons de sagesse politique perse et à sa visée ultime, l’Etat universel. Dans sa célèbre pièce, Les Perses, Eschyle évoque l’humanisme perse. Après la victoire d’Alexandre le Grand, un vaste projet d’hellénisation fut mis au point par le conquérant pour édifier le monde hellénistique nouveau. Soixante dix villes allaient être construites dans l’empire gréco-parthe, pour être des centres de diffusion de la nouvelle culture. La langue officielle araméenne était remplacée par la langue grecque. La monnaie unique devenaient l’Attique. En principe, le décor était posé et il ne devait plus y avoir de limite à l’hellénisation. L’ultime héros parthe qui avait mené la résistance à son point extrême, Bessos, avait été condamné par la Justice parthe, elle-même, à être crucifié. La mort prématurée d’Alexandre allait sans doute être l’une des causes de l’échec partiel de son projet, mais l’auteur de « Sagesses barbares » a recherché les limites précises de l’hellénisation.
Selon lui, la période hellénistique, qui permettait une circulation des idées sans précédent dans l’espace méditerranéen, paraît bien sage et conservatrice, en comparaison du bouillonnement des idées de la période classique qui amenèrent la Grèce, l’Iran et l’Inde à se transformer par une certaine critique de l’ordre traditionnel. La période hellénistique sera une période de respectabilité et de sécurité. Mais ce qui est en sécurité est souvent perdu en liberté et en initiative.
La renaissance de la sagesse barbare va s’effectuer sous le couvert de la langue officielle attique, la Koiné. La langue parthe, qui était au stade de l’oralité, se structure et devient langue écrite, au su et au vu des intellectuels grecs et des princes Séleucides qui gouvernent. Les uns et les autres n’y voient pas les prémices d’une renaissance culturelle et politique. Sous le couvert de littérature, mythes et légendes iraniennes sont transcrites. C’est le début de la littérature perse. C’est la fin de l’hellénisation absolue. Cependant, les fonctionnaires grecs ne sont pas les seuls responsables de ce recul de l’hellénisation. L’intelligentsia grecque elle-même ne s’est pas engagée à fond. Les rhéteurs d’Athènes ne veulent pas venir. Amphicratès, invité à donner une conférence à Séleucie, refusa d’y demeurer en disant : « Une casserole ne peut contenir un dauphin ».
Le dossier religieux de la renaissance parthe est encore plus inattendu. Au lieu de porter un message spirituel aux Barbares, comme le fera St Paul ; lhellénisme n’apporte qu’une sagesse humaniste. Mieux, il vient en Asie pour chercher ses propres sources spirituelles. Les intellectuels grecs découvrent tout ce que la spiritualité grecque doit à la Perse et à l’Inde, Zoroastre revient à la mode. C’est le retour aux sources. Il faut lire tout cela dans « Sagesses barbares ».
Tel est l’ouvrage d’Arnaldo Momigliano, le premier traduit en français : un vaste dossier sur l’Antiquité. Pour prendre la mesure de tant d’influences culturelles il fallait être un historien et le produit d’un métissage culturel. Italien et Juif, chassé de sa chaire de Turin par le fascisme, il est devenu un homme international, un maître renommé en Angleterre, en Israël, en Amérique. Son ouvrage aurait gagné à situer les racines égyptiennes et africaines aux sources de l’hellénisme, mais c’était en dehors du cadre proposé. Ce livre est en même temps un message. Il nous montre que chaque peuple, chaque être humain porte en lui un héritage génétique et culturel, accumulé par ceux qui lui ont transmis la vie. Il doit le faire fructifier dans le creuset de sa culture nationale, comme une contribution à l’Humanisme.Exemplaires (1)
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